Le contexte
Indépendante depuis 1991, l’Ukraine est plongée dans l’instabilité depuis les manifestations d’Euromaïdan qui avaient débuté en novembre 2013 face au refus du gouvernement de l’époque de signer un accord d’association avec l’Union Européenne (partenariat oriental entre l’UE et plusieurs pays de l’Est de l’Europe déjà conclu en 2009), au profit d’un rapprochement politique et économique avec la Russie. Ces manifestations, qui ont culminé aux émeutes de Kiev en février 2014, ont ouvert la voie à la révolution ukrainienne, menant à la destitution du président en fonction.
En réaction, en violation du droit international, la Russie a annexé la Crimée en mars 2014 et la guerre du Donbass a débuté entre le gouvernement ukrainien et les forces séparatistes, soutenues par la Russie. Le protocole de Minsk, signé en septembre 2014 par l’Ukraine, la Russie et les républiques séparatistes de Donetsk et de Lougansk, régions frontalières avec la Russie, mettait en place un cessez-le-feu. Face à son échec et la reprise du conflit armé, de nouveaux accords appelés Minsk II ont suivi en février 2015 avec l’appui du format Normandie, configuration diplomatique entre la Russie, l’Ukraine, l’Allemagne et la France.
Malgré un conflit larvé pendant 7 ans faisant plusieurs milliers de morts, le cessez-le-feu tient jusqu’à la crise diplomatique entre les pays du G7 et la Russie en mars-avril 2021 mais les tensions grandissent pour culminer le 21 février 2022 avec la reconnaissance illégale de l’indépendance des républiques séparatistes de Donetsk et Lougansk et l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022. La réponse de la communauté internationale et de l’UE est rapide avec une condamnation de cette énième violation du droit international, la mise en place de sanctions économiques de grande ampleur, l’assistance humanitaire et la livraison d’équipements militaires à l’Ukraine.
Un impact direct sur l’économie des pays concernés, des pays voisins et des pays européens
Ce conflit armé a frappé une économie ukrainienne déjà fragilisée depuis 2013 et l’annexion illégale de la Crimée en 2014, exacerbant les inégalités existantes. Malgré un taux relativement stable du chômage, plusieurs milliers d’emplois ont été sacrifiés par le conflit. Les travailleurs en Ukraine faisaient par ailleurs face à des violations systématiques de leurs droits fondamentaux, comme en attestent les rapports de l’OIT et la plainte en cours des syndicats ukrainiens (FPU et KVPU) devant les organes de contrôle de l’OIT. Une mission de la Confédération Européenne des Syndicats (CES) et de la Confédération Syndicale Internationale (CSI) avait été menée en 2019-2020 pour assister les syndicats ukrainiens face à la réforme du droit du travail, partiellement bloquée.
Les sanctions économiques contre la Russie, à l’instar du retrait du réseau SWIFT (1er système international sécurisé de virement bancaire) ou contre la Banque centrale de Russie, visent à terme à asphyxier l’économie russe. Couplé à la crise du rouble, les travailleurs russes seront les premiers affectés, durablement et sévèrement, et le risque de récession est réel, dès 2023.
Pour rappel, l’Ukraine est le 17ème partenaire commercial de l’UE en matière d’exportations et le 15ème partenaire commercial de l’UE en matière d’importations pour un total de 1,3% des exportations totales de l’UE et 1,1% des importations totales de l’UE en 2021. Le conflit armé en Ukraine et les tensions avec la Russie peuvent entraîner des conséquences plus durables sur l’économie européenne, notamment pour les EM frontaliers comme la Pologne, mais les prévisions restent incertaines. Ce conflit remet au premier plan la
question de l’inflation et la crise énergétique que traverse l’Europe depuis l’automne 2021 au vu de la dépendance significative de plusieurs EM aux importations de gaz russe, aux pressions sur les prix alimentaires, déjà à leur plus haut niveau depuis 2011, et à la pression exercée par la Russie sur les prix de l’énergie. Cette crise remet au centre la question du recours à l’ensemble des énergies décarbonées pour atteindre l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050, comme en témoigne l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie verte de l’UE en février 2022. Pour FO, l’impact du conflit ukrainien sur les enjeux énergétiques en Europe rappelle l’exigence de lutter effectivement contre la précarité énergétique. FO défend également le mix énergétique et la place des énergies décarbonées – et donc du nucléaire – dans l’indépendance énergétique de la France et de l’UE.
L’impact migratoire :
de nombreux ukrainiens fuient le conflit
L’invasion en cours en Ukraine a provoqué le déplacement forcé et l’exil de millions d’ukrainiens. Au 2 mars 2022, le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations-Unies (HCR) fait état de 874 000 réfugiés, en augmentation constante, ayant fui l’Ukraine vers les pays voisins depuis le début de l’invasion. L’UE s’attend au déplacement forcé de près de 7 millions d’ukrainiens. Selon le HCR, à ce rythme, la situation pourrait devenir la plus grande crise de réfugiés du siècle en Europe.
Le dispositif intégré de l’UE pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise a été activé et la directive de l’UE de 2001 sur la protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées devrait être activée pour la première fois de son histoire. La Pologne et la Hongrie, très mobilisées et généralement arc-boutées contre une réforme solidaire du système d’asile de l’UE et en faveur de la construction de murs aux frontières, témoignent d’une solidarité inédite. En parallèle, le mécanisme européen de protection civile et l’assistance humanitaire de l’UE a été mobilisé en soutien à la population ukrainienne et pour assurer leur accueil dans des conditions décentes dans les pays frontaliers où ils s’exilent.
En France, l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) fait état au 28 février que 550 ménages sont actuellement dans une procédure de demande d’asile et une centaine ont obtenu le statut de réfugié en France depuis le début du conflit. FO demande le respect du droit d’asile et un effort solidaire au sein de l’UE face à l’exil des Ukrainiens craignant pour leur vie ainsi qu’un accueil digne et décent de tous les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile en France.
Des craintes subsistent sur la sécurisation des corridors humanitaires face au risque de bombardements par les forces armées russes. FO appelle aux côtés de la CSI au respect du droit humanitaire international pour assurer la protection des civils pendant un conflit.
La réponse syndicale
La réponse syndicale a été immédiate avec la multiplication des messages de solidarité aux travailleurs et aux syndicats en Ukraine dont FO qui a également dénoncé, aux côtés de la CSI et de la CES, l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, une nouvelle violation du droit international et de la Charte des Nations Unies. FO exprime son soutien aux travailleurs et à leurs familles et aux syndicats qui sont d’ores et déjà les principales victimes du conflit. FO a participé le 24 février à une mobilisation de la CES à Bruxelles avec pour message « Pas de justice sociale sans paix » et a participé à la mobilisation pour la paix du 26 février à Paris. Le mouvement syndical européen et international relaie également auprès des gouvernements et des institutions les revendications des syndicats ukrainiens.
Un fonds de solidarité a été mis en place par la CES et la CSI (https://petitions.ituc-csi.org/support-ukraine- fr). Par ailleurs, en réaction à la prise de position du syndicat russe FNPR en soutien de l’invasion militaire russe, FO a initié un courrier intersyndical français auprès de la CSI en amont d’un Conseil général
extraordinaire prévu pour le 7 mars prochain, afin de demander la suspension dudit syndicat, qui s’est placé en dehors des statuts de la CSI par cette expression, reniant les valeurs démocratiques, d’indépendance et de paix portées par le syndicalisme international ouvrier issu de la CISL depuis 1949 (annexe 2 – courrier intersyndical CGT-CFDT-FO-CFTC à la CSI sur le PNR). Pour rappel, plusieurs milliers de manifestants appelant à la paix ont été arrêtés en Russie depuis le début du conflit. Face à cette nouvelle crise du multilatéralisme, FO rappelle la déclaration de Copenhague à l’issue du sommet mondial pour le développement social des Nations-Unies de 1995 : « le développement social et la justice sociale sont indispensables à l’établissement et au maintien de la paix et de la sécurité entre les nations et en leur sein même, inversement il ne saurait y avoir ni développement social ni justice sociale si la paix et la sécurité ne sont pas instaurées et si tous les droits de l’homme et libertés fondamentales ne sont pas respectés. ».